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7 février 2012 2 07 /02 /février /2012 21:37

....j'ai une grande gueule et point barre. Ce soir, je suis épuisée par le froid et des tas de gens le sont, emmitouflés chez eux, devant la télé, couchés sous la couette, grelottant dans leurs voitures, épuisés de se réfugier aux Urgences, s'abritant du froid. Des tas d'appartement sont vides, des pièces immenses restent désertes, comme cette chambre de mon appartement avec son futon déplié et ses draps froids. Ce soir, j'ai une furieuse envie de prendre ma bagnole et d'aller aux Urgences de l'hôpital le plus proche, de prendre par la main la mère que je trouverais avec son gamin aux traits tirés et lui ouvrir la porte de cette chambre pour lui démontrer que la chaleur pour quelques heures n'est pas un luxe mais une évidence.

Mais j'ai que de la gueule: j'ai faim toute la journée, le froid me taraude l'estomac, je ne pense qu'à bouffer et chaque aliment que j'ingère réveille cette foutue culpabilité judéo-chrétienne que j'ai mis tant d'années à faire taire. Et après? Et demain? Et le surlendemain, que ferais-je? Devrais-je seulement y penser ou laisser mon coeur, dans un mouvement romantique et sucré, s'exprimer, quitte à ce qu'il devienne amer? Ne devrais-je pas me consoler et me raisonner, pour celles qui sont bien au chaud au 9ème parallèle et que l'on menace d'envoyer au 115 à -10° pour satisfaire les demandes en attente quand le pays est si figé par le froid, les structures accueillant jusqu'à plus soif, les écoutants du Samu Social désespérés par eux-mêmes et leur réponses? Devrais-je rire du nombrilisme du 9ème parallèle qui préfère ignorer la vanité de son désir, imaginant que le froid s'arrête sur le trottoir de sa porte d'entrée par la douceur de son chauffage, que par - 10°, personne ne connait la crise et que ca va coûter une fortune en frais médicaux au pays, serment d'Hippocrate oblige?

 

Que ferais-je demain matin d'une mère avec un enfant? Je leur offrirais du lait chocolaté et des céréales, une douche et je partirais au travail ou aurais-je le droit à un congé exceptionnel sans solde pour la journée de la Solidarité que je choisirais alors? Pourrais je me satisfaire du dénuement d'une femme pour lui faire confiance en lui confiant mon confort de bourgeoise et son matériel? Ou bien, devrais je lui dire de dégager à 8H du matin de mon futon avec son mioche épuisé et de revenir à 19H ce soir?

Accepterais-je de pratiquer l'impensable: arbitrer une évidence, imposer des contraintes inenvisageables?

 

Je ne lui poserais pas de questions, je lui donnerais seulement, loin de la soupe de l'assistante sociale, un lit et un peu à manger, de l'eau chaude et des fringues pour son gosse. Je ne lui imposerais rien, je ne m'imposerais pas de lui poser des questions, ni de l'écouter, ni de lui filer des adresses et le lendemain, au réveil, je souhaiterais certainement dans un demi-sommeil qu'ils soient déjà partis pour ne pas me poser cette question: Et maintenant, qu'allons nous faire?

Mais je sais seulement que ce soir, je devrais arrêter d'écrire ces considérations de la petite bourgeoise culpabilisée que nous avons pour beaucoup et enfourcher ma Twingo pour les sauver et stopper net mes questions.

Mais non, j'irais me coucher, dormant un peu moins bien que la nuit précédente afin déviter le lendemain. Et attendre impatiemment que ce lit dès demain soir soit habité par un ami moins désoeuvré, qui retournera chez lui le prochain matin mais fera taire, malgré lui, tous les possibles qui s'offraient à moi cette nuit.

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7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 23:10

J'avais le coeur sec, anesthésié par l'immersion stamboulite où les petits malheurs des uns ne faisaient plus mon  mon humeur et où seul régnait l'insouciance des vacances. J'avais le coeur sec et une furieuse envie de le faire tressauter à nouveau. Indifférente à une réunion assommante, indifférente à mon impuissance face aux couples amoureux et courageux, je m'en suis allée voir "Polisse", réservée et sans enthousiasme, mais avec ma curiosité de professionnelle façon Protection de l'enfance, prête à regarder cette oeuvre d'un oeil torve et peu complaisant, à l'affût de la caricature et du mauvais goût.

Mais déjà mon coeur se serre, quand après 5 minutes de retard sur le film, j'entre dans la salle sombre et je constate, malgré le lundi soir, que 300 personne s'y entassent.

Je me faufile, bien magré moi, au dernier rang et j'y suis. Je m'immerge, avant de constater les rires autour de moi. A "Papa, il m'aime trop" et aux yeux larmoyants de la fillette, je distingue mon malaise quand cette réplique est ponctué de rires. Quand au lit, l'un des "agents" crache que non il n'a pas envie de faire le bon papa quand il rentre à la maison le soir, j'entends des rires. Des rires, des rires à chaque instant où je perçois ce qu'il me semble être la vérité des êtres dans ce que l'on ne souhaite pas entendre.

Je veux les faire taire, il me dérange tout ce monde venu voir en masse l'un des phénomène cinéma de l'automne et qui n'accepte pas ce qu'il entend. Alors je cherche la caricature pour comprendre ces pouffements, je ne dois pas être assez à l'affût du bon mot, mais non, je ne vois pas. Le Camp de Rom ca fait rire, la fillette violée ca fait rire, l'africaine qui ne parle pas bien français ca fait rire, les couples qui se déchirent aussi, le bébé qui se fait branler par sa mère, ca fait rire.Je me dis que vraiment, le public d'aujourd'hui peine tellement à rire de lui-même qu'il est prêt à rire de tout, qu'il rit n'importe comment, sans style ni intelligence.

Mais brusquement, ca rigole moins: le bébé mort que l'on montre dans un sac plastique ca calme tout le monde et enfin le silence se fait soudainement.

Mais je suis prise, définitivement prise, comme une bourgeoise que je suis. Les larmes de Joey Star sont un peu les miennes, celles que je retiens inconsciemment, sa violence est celle que je contiens pour ne pas foutre en l'air ma vie. De l'horreur au soulagement, des coups à la fraternité d'équipe, c'est brut, fort, sans condescendance.

Et même si j'y vois quelques incohérences techniques à la réalité, on s'en fout parce que les comédiens non professionnels sont justes ce que l'on cotoîe dans une vie professionnelle.

Je me dis que je suis bien peinard dans mon bureau chauffé et mon appart' dans les beaux quartiers, que ma vie en somme, est jalonnée d'un peu de çi, d'un peu de ça, des états d'ames en veux-tu, en voilà mais que la crasse, je ne la touche que du doigt. Alors je n'ai pas envie de rire de tous ces portraits qui défilent.

Je leur envie presque  cette liberté dont Maiwenn les affuble, celle de ressentir, de s'exprimer, d'être en colère ou juste en larmes et qui les étreint tous les jours, nuit et jour, week end et jours fériés compris.

Moi je cloisonne parce que cette horreur n'est pas la mienne. Mais quand elle s'approche de moi, lointaine, je la claquemure, lui tord le cou et prend un peu de ces amphèts que me donne virtuellement mon blog.

J'étais prête à regarder d' un oeil critique ce film mais le public a surpasser toutes mes attentes, confirmant que non personne ne veut voir car non ça ne peut pas exister. Ca ne se peut pas, n'est ce pas?

 

Je ne peux pas aimer ce film car ce serait aimer ce qu'il raconte mais je ne peux pas le détester non plus. Que faire? Juste constater dans mon rétroviseur, la ride creusée entre mes deux yeux, mon regard hagard et cette sensation si bizarre...

 

 

 

 

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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 23:50

Ultime final d'un film qui s'annoncait comme un prologue, les images tressautent, dans un montage psychédélique et nerveux, sous la lumière crue des néons, des mains qui s'agitent, expertes, piquent et repiquent, examinent sans s'attarder, des mots hâchés, des regards expéditifs et frénétiques, des phrases que l'on ne prononcent pas, de l'action et toujours de l'action pour ne pas dire l'indicible, de ce corps qui m'échappait et de tout ce sang qui s'écoulait, comme une rivière sans fin et que je tentais de contenir, les jambes et la mâchoire serrées, persuadée que non ce ne serait pas pour ce soir.

La simple vérité, dans ce mouvement nombriliste qui m'agite 4 ans plus tard, heure pour heure, c'est de voir que la folie des autres, de la difficulté d'être mère, que j'aligne, dans un pseudo élan d'humanisme et d'empathie, n'est qu'un pâle maquillage pour ne pas regarder la mienne qui m'a emmené aux frontières de la bascule, au prise à la solitude de ne pas y mettre les mots les plus justes, incapable d'expliquer ce qu'est l'illégitimité d'être mère.

J'ai réalisé le film phare de ma vie en super8 avec un bébé en personnage principal, entourés de techniciens et d'acteurs de complément habitués au numérique. Je surnageais avec la technique, partagée entre ce que l'on percevait de mon oeuvre et la conviction profonde que c'était le nanar de l'année. Seul le comédien principal semblait s'y retrouver, s'acclimatant de mes sauts d'humeur dans ma réalisation ou de mes élans de passion, compagnon de route infatiguable, fidèle aux yeux clairs et limpides qui m'appelaient tranquillement à me relever, à m'appuyer sur lui, malgré sa petite taille.

J'aurais presque préféré qu'il me manifeste son manque d'indulgence, qu'il me remette joliment à ma place et me fasse assumer plus facilement cette bombe humaine qu'était son entrée dans ma vie, mais non, il demeurait placide, observateur, trop tranquille, renforcant alors cette culpabilité qui était mienne de ne pas être à la hauteur, cette illégitimité de ma nouvelle place, convaincue qu'il pouvait faire sans moi, persuadée que sans moi, ce serait meilleur.

Il y a eu l'anesthésie générale et l'anesthésie mentale, l'étonnement de ne pas ressentir de manque en son absence puis le besoin de le sentir, son odeur chaude que je reconnaîtrais entre mille autres, sensation animale, il y a eu le besoin de fuites, de celles dont on ne revient jamais, il y a eu la reconnaissance puis l'ambivalence, il y a eu le soulagement d'entendre son coeur et le déchirement de ne pas le voir, il y a eu la négligence et l'indifférence, il y a eu le rire et les larmes juste derrière, il y a eu des milliers de sentiments contradictoires, m'emmenant au bord du précipice, prête à sauter pour faire taire cette explosion interne que j'ignorais jusqu'alors mais qui couvait en moi depuis si longtemps.

Ca aurait du être une web série s'interrompant à 3 ou 4 semaines de diffusion pour cause de pitch bancal mais c'est devenue une série journalière, un scénar trop tendu par l'émotion, puis peu à peu hebdomadaire, diffusée sur 24 mois, une série épuisante, explorant les méandres de l'origine familiale, du couple, de la condition féminine, de ma condition tout court.

Alors quand je détaille les conditions des autres mères, avec les trémolos que je ressens, je ne sais plus si je dois sourire ou pleurer de la misère de ma vérité que je dissimule à grande peine, incapable encore de définir ce qu'est être mère, qui est le bébé qui va bien, va mal, celui qui peinera ou réussira, celle qui sera exemplaire ou démoniaque, malgré elle.

Je sais seulement qu'on s'est reconnu. Je ne sais pas qui est la muse de l'un ou de l'autre, j'ignore qui a reconnu l'autre le premier, je sais seulement que son regard de bébé tétanisé par sa naissance, que ma folie de ces longs mois sont gravés dans notre héritage commun dans ce lit sur lequel nous sommes restés de longues heures côte à côte alternant les phases de sommeil et d'observation silencieuse.

Mon personnage principal continue d'évoluer dans une oeuvre qu'il réalise lui-même et moi  je suis releguée à l'assister, cherchant dans ses traits les souvenirs flous que j'ai gardés de lui en moi. J'y distingue encore  les rides indélébiles de nos soucis communs et qui creusent un pan de chacune de nos histoires, la sienne davantage encore.

 

 

 

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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 22:13

Entre le silence et mon cri, je ne suis ni là, ni ailleurs: ballotée entre mes onirismes et ceux des autres, je deviens sourde et amnésique.

Je travaille, je persévère, je ris et m'exaspère mais pour quoi faire? Je ne suis plus seulement une voiture en départ à la casse, je suis les palmes du moulin qui tournicotent dans le vent...Partagée, sans cesse partagée à limiter mes périmètres de sécurité, entre réalité sociale assourdissante et la douceur de mes aspirations superficielles, partagée entre deux mondes que je tente de faire mien pour m'en composer un d'unique, je ne suis ni dans l'un ni dans l'autre.Je suis arrêtée au péage, la main ouverte et tendue vers l'extèrieur. 

Assistante sociale mais pas juriste ou psy, bloggeuse mais pas auteur publié, créative sans être utilisée, ronde sans être grosse, en couple mais isolée, un nom mais sans enracinement, des amis sans intimité.

 

Ni là, ni ailleurs, en exil, toujours en exil...Le même constat pérenne, d'année en année, sans sentiment plaintif, malgré les tentatives, les réussites et les échecs, l'étrangeté qui me poursuit de me situer sur une Terre du milieu, à mi-chemin entre plusieurs mondes.

Etre assistante sociale pour s'habiller d'une identité à défaut de construire son propre costume, écouter les autres pour ne pas s'écouter soi-même, entendre d'autres réalités pour se reconforter avec la sienne, avoir des coups de gueule, des coups de blues sans en être la cible, trouver des solutions insolubles à défaut d'en trouver pour soi-même.

Ecrire pour parer l'indicible d'une poésie éphémère, m'envoler vers d'autres cieux le soir et rester à terre la journée, empiler les fictions, les écrits et les mots, me faire plaisir sans donner aux autres,, rêver à d'autres horizons et garder la gueule de bois toujours et encore à contempler l'inutilité de mon imaginaire.

 

De bureau vers un autre, je troque la nuit venue mon habit de ville, assistante sociale déjà vieillissante, à un costume que j'endosse sans complexe, coutures grossièrement cousues, sans coupe définie, à la lumière ravageuse d'un spot à économie d'énergie. Un parrallèle où tout semble à construire, un parallèle sans nom aux portes fermées et obscures, un monde étranger duquel je n'ai pas les clés.

Le goût du travail inachevé me reste perpétuellement en bouche: du 9ème parallèle à cet autre sans numérotation, l'absence de résultat toujours et encore confirme sans cesse mon ignorance. Au 9ème, ces femmes passent leur chemin, le samu social ne les regarde même plus défiler, les penseurs s'échignent à réfléchir je ne sais quoi, le code civil devient un catalogue en tout genre, ma bouche dévide à tout rompre des paroles sans consistance à m'épuiser moi-même avant d'épuiser les autres. Et dans cet autre parallèle de solitude où je me prends à écrire d'autres mots et histoires qui n'appartiennent qu'à moi, ce sont mes yeux qui se brouillent et ma voix qui se tord dans le silence, en quête de soutien et d'une parole bienveillante.

 

Jamais enculer les mouches n'aura eu une telle raison d'être, à une époque où la réussite du faux-semblant semble l'évidence.

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 22:16

 

(...)

Hey je ne rêve pas je sais quand j'arrêterai,
je vais quitter paris,
je sais après je vais payer pour ça
Je vais payer pour ça(...)

(...)J’ai dépassé les limites aisément, facilement
Ouais je dépasse les limites sans un problème d'éthique


(...)J’ai dépassé les limites aisément largement
Quand je commence, je finis le travail proprement
Je consomme évidemment le plus possible de liquide
Et parfois même du solide bien en chair, bien enrobant (...)

 Je n'avais jamais entendu un coton tige habillé de lumière chanté mais la première fois aura été la bonne: ce n'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Tandis que Julien baragouine avec des airs de faux dandy"j'ai dépassé les limites" et que la fin du propos se perd sous une musique mécanique au tempo de Bontempi, cette phrase retient toutefois mon attention. "Les limites?" Attends c'est pour moi, tu parles de moi, là...Les limites c'est mon mot préféré, mon ressenti quotidien mais les tiennes quelles sont elles? Ni une, ni deux, je m'en vais explorer la source profonde et cachée de son message.Y'a pas à dire si les mots qui lui viennent sont décidément les mêmes que les miens, ils n'en ont pas le même sens.
Hey je ne rêve pas je sais quand j'arrêterai,
je vais quitter paris,

je sais après je vais payer pour ça
Je vais payer pour ça(...)
Comme dans toute chanson qui désirerait se respecter, on cherche le sens :arrêter et payer pour quoi? la chanson, être  un trader sans scrupules, les drogues, la vie citadine, se reluquer dans la glace?

Quel que soit son dilemme, son mérite seul réside dans le fait qu'il sache quand il arrêtera. Parce qu'au tant quitter Paris risquerait de me coûter cher, d'ennui et d'overdose de verdure, autant savoir quand j'arrêterais de jouer à la SuperAs serait un exploit. J'y pense, j'y rêve de temps à autre mais pour faire quoi? Des aspirations j'en ai des autres, j'y travaille mais qui sont un tantinet égocentrique tout de même... et un peu pâlichonnes, quoiqu'un peu moins épuisantes.

(...)J’ai dépassé les limites aisément, facilement
Ouais je dépasse les limites sans un problème d'éthique

Belle affirmation de soi, c'est déroutant de franchise vu que ses limites sont si mystérieuses qu'elles sont donc sans limites...Exercice de style difficile dans lequel s'est aventuré l'auteur: utiliser un terme et le rendre déclinable à l'infini, sans enrichir le sens initial.

"Facilement, posément", oui sans états d'âme et "sans problème éthique" certainement.

Une  façon polie de dire"Je t'emmerdes, connard" au travers sa portière de bagnole après un carton routier et se barrer sans constat ni descendre de sa voiture. C'est plus élégant et on gagnerait en convivialité si tout le monde faisait un effort de syntaxe comme Julien. "Ethique et limites"? bah oui, je vois...Après quand à imaginer que je peux les dépasser, difficile à dire vu que je ne les connais pas mes limites ou du moins je les jauge au jour le jour.

Capable d'imaginer  un voyage quasi pathologique avec un patient en fin de vie juste pour lui montrer la mer qu'il n'a pas vu depuis 30 ans, c'est dépassé ses limites? Bon, il est mort pendant que je me faisais mon trip "road movie pour toxico mourant avec morphine à gogo" toute seuls dans mon coin, bobo attitude en force "Tu m'as tout appris alors voilà mon cadeau", élan de générosité louche, en écoutant Patti Smith. Mais je suis preneuse de l'éthique de Julien à moins qu'il n'est que la rime facile?

 (...)J’ai dépassé les limites aisément largement
Quand je commence, je finis le travail proprement

Je consomme évidemment le plus possible de liquide
Et parfois même du solide bien en chair, bien enrobant (...)

On aura tous relevé le caractère quasi académique de ses vers par la consonnance  "en", à coups d'adverbes et de participes présents. Au delà de réaffirmer sa liberté d'agir et de parole, nous détenons deux informations essentielles. Julien est un être consciencieux au travail et qui boit plus qu'il ne mange. Alors oui c'est facile d'aborder le texte sous cet angle, me direz-vous mais moi j'ai envie de savoir: c'est quoi son boulot? Il est alcoolique, addict au café et il baise après des nanas avec de larges chassis? Ou alors c'est juste le récit en trois phrases d'une journée bien remplie: boulot, déjeuner et café?Par son talent, Julien m'embrouille l'esprit: dès que j'ai envie d'en savoir plus, je ne saisis plus le sens de ces phrases mises bout à bout. Faire le travail proprement, je sais faire, boire des litres de café  et bouffée  du chocolat enrobé à la praline, je sais faire aussi parce que c'est souvent, justement,quand j'ai dépassé les limites du supportable.Et alors? Ca me rend peut être moins baisable en fin de compte...

Comme la chanson se répète sans fin et tourne en boucle sur les mêmes couplets cités ci-dessus, je m'interroge: du sens , du succès de cette chanson, de la réputation démésurée de Mr Coton tige...Et je ne trouve de réponse que dans le clip, léché et pourléché d'effets en tout genre, de la silhouette longiligne de l'artiste dans ses costumes cigarettes et regrette presque le temps où David Hasseloff s'essayait à chanter, viril et écoeurant de muscles luisants.

Au moins, l'arnaque était plus grossière.

Julien a astucieusement contourné le propos existentiel qui réside dans les limites de chacun et particulièrement des siennes. Quant aux miennes, elles auront juste le temps de s'éveiller un instant, un court moment de 2'17.

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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 22:10

Elle habite mon quotidien mais c'est à peine si je la regarde. Lorsque je croise son regard, j'évite de m'attarder:  son corps et ses yeux m'appellent dans une danse lancinante que je refuse de  lui accorder. J'esquive pudiquement ce face à face: une fois, nous nous sommes arrêtées l'une devant l'autre, sans un mot, jeux de miroir étourdissant mais la fièvre et l'étourdissement ont pris mon souffle, fait battre mon coeur en un rituel amoureux et j'ai fléchi sous cet impact, mortelle faiblesse que cette enième esquive.

En 5 ans, nous avons pu échangé à trois reprises. Elle ne prend jamais rendez-vous, s'interpose dans mon quotidien sans s'annoncer et c'est toujours l'esprit et le coeur échevélé que je la quitte. Mais chacune de ses rencontres improbables me laissent entrevoir son chemin parcouru et interroge sans cesse celui à venir.

Malgré ses kilos superflus, en plus ou en moins, elle est chaque fois un peu plus translucide, me donnant à voir sa vie intérieure: le sang affluant à ses centres nerveux, son coeur palpitant, son estomac contracté, son utérus de femme tremblant, son cerveau bouillonnant.

 

  Il y a 5 ans, la première fois, elle a débarqué à l'improviste dans ce bureau si massif que je possédais alors. Emprise aux doutes et à la crainte d'une union "trop unie", prise dans les tourmentes de l'engagement marital, elle ne savait plus: quels étaient ses choix, ses désirs, quels étaient ceux des autres, triste ballade contemporaine qui nous perd, à bâbord ou à tribord,où la direction devient nulle et non avenue.

Dans mon bureau, elle s'y est attardé, m'a fait part de ces tiraillements intérieurs. J'y ai décelé de la culpabilité pour la souffrance qu'une annulation ou une remise en question, au mieux, ferait à sa péripherie mais de cette culpabilité, elle n'a pas pu me l'évoquer à coeur ouvert. La formuler semblait impossible, plaie béante du silence qu'elle s'imposait.

Elle est restée là, quasiment à camper dans ce bureau sans autorisation, me narguant de ce regard perdu, attendant de moi une réponse définitive, une autorisation au pêché que je me serais bien gardée de lui donner. Elle a attendue, son gros paquet d'ennui sous le bras puis elle s'est échappée, envolée pour convoler en juste noces.

C'est à peine si j'ai eu le temps de me rendre compte de son absence.

 

Deux ans plus tard, elle est revenue, toujours dans ce même bureau que j'avais toujours. Le couple était alors devenu une  famille; un enfant s'était ajouté au livret de famille. Son regard m'a dissuadé de la féliciter: sombre, cerné, les yeux rougis et le corps amaigri elle brillait d'une beauté sombre et lunaire, peau blanche et cheveux de jais. Sa venue m'est apparue comme de mauvaise augure. Je me contentais alors de la saluer et l'invitait à s'asseoir pour entendre ce qui l'agitait alors.

Tout l'agitait: son enfant né dans la souffrance, les silences impétueux de son époux, le temps qui passe sans jamais repasser, ses désirs inassouvis, son envie de liberté, ses temps d'enfance...Elle m'a déballé tout ce bazar de couturière, fils entremélés les uns aux autres sans que j'y vois de sens mais balbutiant quand même ses questionnements: est cela que je souhaite?

Elle m'est apparue alors comme une femme déjà vieillissante d'à peine 30 ans, prise dans des carcans dont elle ne savait quoi faire, enchaînée dans une existence qu'elle devinait trop lisse, trop prévisible où la fantaise semblait avoir fait naufrage et où l'impétuosité qui sommeillait en elle, nageait maintenant en eaux troubles.Elle se disait en crise, perdue. Je lui ai simplement conseillé d'en discuter avec son mari afin de renouer ce dialogue improbable.

Elle a semblé satisfaite de ma réponse, soulagée presque de l'annonce d'un renouveau possible.

 

Elle est revenue il y a quelques jours, plus translucide et gonflée de kilos que jamais. Triste, fade, les yeux éteints: l'apathie semblait l'avoir gagnée. Pourtant, à y regarder de plus près, son bilan de ces dernières années s'étaient considérablement amélioré: sa qualité de vie avait augmenté, son projet professionnel prenait forme, ses meilleurs amis étaient restés, les pires avaient déguerpis. Ménage ainsi fait, il aurait été de bon ton qu'elle s'offre à moi un peu plus épanouie. J'entendais déjà les jérémiades et je me voyais tout autant terminer cet entretien  par un poli "je comprends bien, la prochaine fois vous prendrez RDV parce que là, je n'ai pas trop le temps, voyez-vous j'ai une réunion..." Il aurait fallu, j'aurais du lui répondre cela dès que je l'ai entre-aperçue dans la salle d'attente. Misère, je l'ai laissé s'installer et se montrer nue face à moi.

Toujours mariée, j'aurais préféré me contenter de son bilan positiviste, la convaincant même combien ces choses acquises par le mariage et le travail sont choses précieuses à notre époque.J'aurais préféré me cantonner à un examen comptable pour valoriser ce parcours de femme.  J'aurais voulu qu'elle me remercie de mes précieux conseils vieux de deux ans, qu'elle me félicite pour cette réussite qui était un peu mienne.

J'aurais préféré lui asséner toutes ces vérités d'assistante sociale, lui donnant à voir toutes les possibilités qui s'ouvraient alors à elle.

 

J'aurais préféré tout entendre plutôt que ce murmure prononcé d'une voix à peine audible mais qui annonce une révolution à venir: "Je n'ai pas peur de perdre ce que j'ai. Je suis en train de perdre ce que je suis mais même cela, je suis bien la seule à le savoir .Alors que faire?"

Solitude d'une femme dans un beau mariage, solitude d'une mère.

Ma solitude face à ces mots, cette peur et ce désir brutal de la revoir ou de la fuir. La reverrais-je?

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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 17:51

Jusqu'où doit on supporter l'insupportable, jusqu'où peut on préserver la douceur câline que l'on revendique, faite de concessions , de rondeurs, de compromis? Quand pouvons nous s'autoriser à dire à un con qu'il est con, à un malhonnête qu'il est malhonnête, à un branleur qu'il est un branleur????

 

En bref, quand pouvons nous cesser de nous excuser de nos colères, quand pouvons nous nous donner l'autorisation d'être aussi con, sadique que l'Autre que l'on ménage, par pure acquis de conscience? Etre égoïste, être bête de temps à autre marque t il un signe d'intelligence?!

 

Que cela soit avec les usagers ou dans la vie, simple civile, l'éthique devrait l'emporter malgré tout, l'idéal déontologique que l'on se donne, pour se supporter soi-même, devrait surpasser toutes les malveillances, contempler à distance ces misérables aspects, pour certainement se donner bonne conscience et se dire toujours à demi-mot "Je suis meilleure que cette médiocrité".

 

Les questions sont multiples: pourquoi tant de malveillances? Mon périmètre de sécurité n'est il pas assez gardé? Suis je donc si naïve pour laisser entrer un loup dans ma bergerie et le regarder dévaster ma prairie, sans broncher, ravalant ma colère, confirmant le fait que "je suis toujours toute seule au monde!!!!!!!!!!!!!!"

 

Mais une bonne colère ca fait du bien car c'est aussi dire à un con que non, on n'est pas aussi con que lui....

 

Alors oui, il est facile et bête à la fois de proclamer que:

 

-Y'en a marre de cette quantité de branleurs qui nous entoure, de ces tas de bien-pensants, enfermés dans leur certitude et leur univers, assainant à coups de phrases ampoulées, aux arguments futiles, leur vérité absurde.

 

-Y'en a marre de cette quantité de pseudos insoumis qui en réclament du système d'aide sociale, de l'économie équitable, de l'égalité des chances et qui sont les premiers à calculer leurs avantages, à faire leurs dossiers, logement social et allocations, pour faire des économies médiocres pour continuer à partir à l'autre bout du monde, contempler la misère des autres, larme à l'oeil et le coeur de travers, parce que c'est plus facile d'y trouver sa place que dans notre société qui marche à l'envers.

 

-Y'en a marre de cette quantité de bourgeois, bohêmes ou bien nés, qui s'enthousiasment de faire plus de trois gosses, en apprenant que la CAF les félicite de baiser suffisamment (et correctement?)

 

-Y'en a marre de ces travailleurs sociaux, plus crades, plus toxicos, alccolos et fous, que la misère dont ils ont la charge, et qui pestent contre le moindre signe de richesse, où leur dire bonjour c'est déjà s'excuser d'avoir l'haleine fraiche.

 

-Y'en a marre de ces illuminés, auto-proclamés artistes, qui détiennent le sens du monde, qui crament leur forfait et leur énergie à déblatérer leur langage informe à des oreilles studieuses, sous prétexte que l'expérience des années leur donne alibi d'assommer les autres.

 

-Y'en a marre des paroles sucrées, des promesses jamais tenues quant toi tu t'échines à les respecter, paroles sucrées noyées sous un tas d'ordures de bonnes intentions affichées.

 

-Y'en a marre des proverbes à la con exprimés et expliqués, parce qu'on ne sait pas s'exprimer soi-même et que l'usage des mots emprunté à l'autre donne une contenance  soi-disante intelligente.

 

-Y'en a marre des faux-semblants, des dérivés de l'humilité bien pensante, des "je suis de gauche et je t'emmerdes" et des "je suis de droite et je t'emmerde aussi", à coups d'articles web médiaticos-scandaleux pour ameuter les foules "Regardez, regardez donc ce scandale" pour faire pâlir les foules que l'injustice c'est vraiment dégeulasseeeeeeee!!!!!!!!

 

Parce que oui, j'en ai marre du manque d'humilité et de délicatesse où le mot "tact" n'existe plus, la pudeur n'est plus de mise et où ça n'arrête pas d'avoir une opinion, un avis, parce qu'il faut PENSER, vous dis-je à défaut de se penser soi-même...

 

A tous, pauvre superAs que je suis, simple citoyenne, svp, ayez un peu plus d'humilité, artistes, bobos ou que sais je, car quand la misère et la grande détresse sont là devant vos yeux, face à vous, plus de proverbes, plus d'idéaux grandioses ou de droits sociaux, quand la souffrance explose, dans la voix d'une tchétchène et de ces enfants malnutris, on ne pense plus, on ressent et là, on se sent vraiment comme une conne.

 

Alors, loin de moi de penser, par le prétexte fallacieux "moi je vois alors je sais mieux que toi" parce que pour le coup, con je le serais aussi (en même temps, pourquoi pas?), loin de moi prétendre avoir un savoir que d'autres n'ont pas, loin de moi l'envie de baratiner à coups de culpabilité mal placées mais il serait peut-être bienvenu que chaque con reste à sa place: ca emmerderait moins le con d' à côté, pour une fois.

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3 janvier 2011 1 03 /01 /janvier /2011 23:04

En ce début morose où les voeux se souhaitent par sms ou sur le bout des lèvres, SuperAs a fait comme chacun son entrée dans l'année 2011 et remarque qu'il est loin derrrière le temps où la bonne année se souhaitait chez le boulanger ou le coordonnier avec le grand sourire de circonstances....

 

Avec cette vague impression collective que l'année ne sera pas bonne, pouvons nous nous la souhaiter quand même? Devons nous rendre un caractère obligatoire à cette forme de convenance sociale? Et aux usagers est-il de bon ton de leur en souhaiter une ou plutôt "une meilleure année que la précédente" quand on regarde objectivement d'où ils viennent et ce que leur réservent les dispositifs...?

 

Ah la nouvelle année c'est compliquée: on la voudrait meilleure que la précédente, on y croit quelques jours mais la réalité, toujours aussi pregnante, fait son chemin et nous aspire de nouveau dans les vieux préceptes de celle qui vient de s'achever. 

 

SuperAs connait les vacances mais pour cette fin d'année, a activé le mode veille, seulement. SuperAs a oeuvré au réveillon du 31  décembre, s'infiltrant dans une soirée de réveillon où pour une fois, il était de bon ton et aisé d'être de la profession (Cf "SuperAs by night").

 

Invitée par une estimable collègue, accompagnée par ma moitié de vie surnommé  "méchant capitaliste", pour la circonstance, c'est une ambiance bon enfant, joyeuse et délurée: éducateurs, éducateurs, éducateurs et quelques autres gentiment rebaptisés "reste du monde"(entendre tout individu étranger au doux monde du travail social). 

 

Une soirée destinée à ceux qui en ont marre des paillettes et du bruit du 31...mais une soirée où j'en ai entendu davantage sur la profession que dans les soirées du "reste du monde"

 

-Quand un éduc' me demande où j'ai mis mon serre-tête d'AS et mon col Claudine....Je me sens comme une antillaise à qui on demanderait quel est son pays d'origine et si elle parle wolof. Je pourrais lui renvoyer  en retour s'il a laissé son perfecto avec ses badges "make love, no war" , ses cheveux crassseux jamais peignés et ses roulés dans la chambre d'amis. Je suis restée muette.

 

-Quand un éduc' (un autre) me dit qu'il a une vision politisée de sa profession, je cherche mes mots pour étayer ma vision humaniste, non politique (au fait, ca veut dire quoi?!) et là, suspension de séance...échange écourté, pas de reprise à posteriori.

 

-Quand  un chef de service reconnait dans des effluves d'alcool tenaces, que  "Dans le social, faut coucher pour bien gagner", je comprends mieux mes aigreurs d'estomac à la fin du mois quand je consulte mon compte bancaire et surtout, je me rappelle ce que je n'avais pas oublié ou seulement occulté: Baiser n'est jamais gratuit, pute ou travailleur social; l'intérêt de l'usager n'est jamais très loin.

 Et je rémémore les copinages, les soirées d'institutions et leurs Backrooms, les embauches ou les licenciements pour raisons douteuses mais à caractère privé et j'ai envie de lui répliquer: " Entre homo ou hétéro, tu crois qu'on a les mêmes chances?"

 

-Quand ce même chef de service demande à ma juste moitié  quelle est sa profession, que ce dernier répond "le capital", nous avons droit à l'ultime question:

"Ah et vous vous êtes mariés? Mais qu'est ce que vous avez en commun?"

Ma réponse fuse: "le sexe, le sexe, tout se joue au pieu non?"

Sa réponse: "Avec l'argent, en plus. Le sexe et l'argent, c'est ca qui te plait, dis-le" (suivi d'un rire gras)

Et là que répondre, que dire? On ne peut pas tenir rigeur d'un tel poncif ou d'un dialogue si dérisoire quand il est arrosé de champagne le soir d'un réveillon...Juste avoir l'ultime pensée que j'aurais pu aller à la pizzeria en bas de chez moi avec la soirée réveillon à 50€, soirée dansante incluse. A 2hrs du mat', l'échange aurait été le même.

 

 

Un réveillon qui ressemble à tant d'autres mais un réveillon où j'ai eu une vraie gueule de bois, hors boissons alcoolisées. Car, quand durant un sommeil agité et ce jusqu'au lendemain matin, éveillée, je me suis revue SuperAS, pour cette nouvelle année, m'asseoir près d'une de mes estimées collègues psychologues et lui contées presque légèrement mes derniers jours au contenu personnel si dramatique, la nausée m'a envahie.

 

L'amertume dans ma bouche s'est répandue car la plus vilaine faute de goût de la soirée, c'est moi qui l'avait eue.

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 23:05

Samedi soir, SuperAs est de sortie, exceptionnellement, pour un anniversaire impossible à rater...Fêter 30 ans au terme de 20 ans d'amitié féminine, il aurait été mesquin de se faire porter pâle... 

Mais superAS à trop se pencher sur la vie des autres est fatiguée d'avance: des conversations à devoir mener, des oreilles attentives à donner,des sujets à discuter avec une foule anonyme avec laquelle il faut se sociabiliser...

 

SuperAS décide de braver la neige et d'accepter malgré tout de se méler aux gens ordinaires. A faire le grand écart entre une petite vie bourgeoise le soir et la misère des femmes qu'elles rencontrent et de ce pays qui se délite sous ses yeux, dispositifs maltraitants,encourageants sa propre impuissance, superAs oublie peu à peu ce que peut être la vie ordinaire de trentenaires éternels.

 

Passés les périples neigeux, SuperAs entre dans un de ses innombrables appartements enfumés du samedi soir, champagne et buffet froid, où les gens se connaissent, s'embrassent, rient, s'apostrophent. SuperAs s'étonne que son amie de toujours, 30 ans ce soir, s'étonne de sa présence et reconnait en elle-même que"Là, il commence à y avoir un sérieux problème".

 

SuperAs croise un regard familier mais peine à mettre un nom dessus: la dernière rencontre, c'était pour les 25 ans et l'avant dernière certainement pour les 18 ans, lycée ensemble ect, ect...La fille est jolie, un visage des années 20, un semblant énigmatique, la classe, une tête de classe pour finir, le bac à 17 lorsque je peinais à le passer à 20 pour entrer en psycho.

La fille est contente de revoir celle qui n'est pas superAs, la fille "sans profession, l'anonyme professionnelle" car à cet instant, superAs n'a pas encore d'étiquette sociale à ses yeux. Forcément, les banalités d'usage, non sans intérêt, sont échangées: "Et tu bosses? qu'est ce que tu fais?"

Et parce que depuis très longtemps, superAs n'était pas sortie by night,  SuperAS a oublié le vieux précepte, celui d'éluder la question pour mieux renvoyer la question et éviter d'avouer la fatidique vérité, un peu honteuse, de son boulot d'assistante sociale et les éternels réactions de voix un peu mièvres "ca doit être vachement difficile mais super intéressant".

 

SuperAs, donc ,s'est fait piégée, par son inexpérience nocturne de ces dernières années et un égo qui demandait certainement à être écouté. SuperAs se lance donc dans une description un peu vague, incertaine, de ce qu'est son travail, description alimentée par un doux regard de biche un tant soit peu fasciné. Et ca pose des questions et SuperAs complète, cherche des mots pour donner des précisions mais superAs patine dans ses explications, s'entend, et sent un effondrement intérieur s'amorcer...car comment expliquer un travail pour lequel moi-même je n'y comprends pas grand chose?

Et la réaction ne se fait plus attendre...un silence pudique, un regard de biche qui s'attriste alors vite, je renvoie la balle:

-"Et toi? Toi qui cartonnait avec les compliments tous les trimestres, t'en es où?

Et là, moment poétique presque suspendu mais haîssaïble car après un silence réservé, la réponse se fait timide presque honteuse, triste:

"-Bah moi, ce n'est pas aussi passionnant que toi...Je travaille dans une PME qui "design" les packagings pour des produits cosmétiques.Je suis commerciale, quoi."

SuperAs se sent mal et comme toute AS qui se respecte, super ou détestable, entend une certaine détresse et relativise.

-Bah non, tu sais c'est difficile mais j'ai d'autres sources de contentement autour. Ce n'est pas plus passionnant qu'un autre boulot, il faut de tout pour faire un monde"

Elle acquiesce mais nous percevons elle et moi toute l'absurdité de cette banalité...Et là, pour ne pas finir sur un échec, je m'intéresse au parcours de cette fille si brillante: sup'de co, voyages en Asie ect, ect...Ses grands yeux doux et sa voix triste reconnaissent son ennui, l'envie de voyager, de vivre a Shangai comme un appel d'air après une liaison de 8 années: putain, 8 ans à 30 ans! J'ai les boules....

Et je regarde autour de moi, réalisant que je suis entourée d'expats de l'humanitaire,  rigolards, détachés, sans attaches, libres trentenaires apparemment...Simples apparences.

 

Et là, dans cette cuisine enfumée, champagne tiède et mégots froids, je redeviens une fille ordinaire, réalisant que le monde, au delà de toute chose, m'attend aussi, si je le souhaites et ne se résumes pas au malheur d'autrui...

 

Je réalise, comme tout à chacun, que mes idéaux féminins lycéens ont vieilli au même rythme que moi, que l'ennui ou la déprime est aussi à l'orée de ma porte, blasée par trop d'habitudes....et que putain, 30 ans, je les ai seulement!!

 

Je réalise qu'à trop me plonger dans une réalité sociale indécente, j'en oublie la vie sociale ordinaire, j'en oublie ma vie, simplement, de celle qui n'est pas superAS.

 

Ma existence se déshabille quotidiennement par la vie extraordinaires des autres...

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