Il a un faux air d'intellectuel qui moisirait derrière sa chaire universitaire: costume dépareillé, blanc avec ses moccassins noirs sans chaussettes l'été, ou sombre avec chemise froissée, pieds chaussés de Scholl ou de Mephisto sans âge. Les lunettes vissées sur le nez, il a cet air fatigué d'Auteuil dans l'Adversaire, avachi sur la banquette arrière de sa berline, s'empiffrant de "Barquettes de LU" et la nervosité de Brasseur en père dépassé dans La Boum. La peau grise et terne, le cheveux peigné en un mouvement romantique, blanchi de pellicule, il ne ressemble à personne, excepté à lui-même, ni beau, ni laid, auréolé d'un charme indéfinissable.
Il frappe fort aux portes, entre et sort dans un coup de vent, suspend vos discussions, caresse son Iphone entre deux regards, vous chante la beauté de La Reunion, flatte d'un regard malin votre décollecté, guette votre sourire de connivence, chante votre talent à qui veut l'entendre.
On l'imagine mal se coucher ou lire un livre. On l'imagine difficilement mettre cette énergie en repos pour caresser son chien ou prendre une femme dans ses bras, s'intéresser au sommaire de Capital le dimanche soir. On l'imagine seulement déambuler, sans but ni objectif, le nez au vent, se retourner sur les femmes, saluer le clochard sur le bas-côté, manger au resto seul ou accompagné, flatter la croupe de la boulangère, résoudre quelques équations au dessus de l'épaule de ses enfants, se servir une vodka glacée et écouter Rossini à fond la caisse.
Voilà un homme qui doit détester dormir, perte de temps inutile face aux plaisirs que lui donne la vie. mais il adore le Vidal version 2011 et wikipédia pour la profusion d'informations médicales qu'on y trouve, se demandant si Syphillis est avec un "Y" ou un simple "I".
Il lutte contre le RSA, outil d'asservissement de la femme, la rendant dépendante à la protection masculine, encourage les pères violents à reconnaître leurs bébés concus dans la douleur, sèchent leurs larmes et leur tend des mouchoirs, leur dit 'aimez vous, aimez vous les uns, les autres", sollicite le pardon, les deux mains jointes, force de l'Amour inconditionnel qui unit les hommes avec les femmes.
Voilà un homme qui est ni là, ni ailleurs, plongé constamment dans ce monde qu'il réinvente jour après jour à sa convenance et à son image: un chant romantique, avec de douces mélopées cliniques que lui seul, décryptent.
Il est là, tourne et se retourne, le regard électrique, s'asseoit, prête à votre parole une importance que vous ignorez vous-même, se tait, contemplant votre noyade que vous comblez par des arguments fallacieux ou brillants, selon le jour, hoche la tête, acquiesce, dit que c'est formidable, qu'il s'en occupe et repart, la porte fracassée par son passage et trois SMS tapés à la hâte plus tard.
Son repertoire a deux cent noms, numéros et adresses comprises, ponctue chaque idée par un coup de fil éclair, cherche les coordonnées des structures affchées dans votre bureau sur les pages jaunes, réinvente le système à coup de slides du bout des doigts, solutionne l'insoluble grâce à Steve Jobs, vous montre les photos de ses patients par un coup de pouce bien coordonné sur son Apple.
Celui-ci révolutionne la psychiatrie, en proclamant son Iphone comme un outil de travail révolutionnaire et un Sex Toy sans pareil.
On en voudrait 10 des comme ça, fantaisiste à loisirs, drôle malgré lui, peignant la morosité du quotidien par son énergie flashy et ses costumes élimés. On en voudrait moins des comme ça, illusionniste, se bercant de chimères, extra lucide de ce qu'est un bon père, une bonne mère, un bon couple maman est en haut et fait du gâteau, papa est en bas et fait du chocolat, idéal d'Epinal 3 générations trop tard.
Provocation nécessaire pour que que vingt pairs d'yeux féminins le bouffent de colère et donc de désir, répétition anti-féministe à sa démesure qu'il adore proclamer, jouissif de la contre-pensée collective et de sa clinique, voici un homme qui redéfinit à l'infini la Femme, en quête d'un je-ne-sais-quoi qui agace, surprend, exaspère et désespère sans commune mesure.