Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 22:19

Il a un faux air d'intellectuel qui moisirait derrière sa chaire universitaire: costume dépareillé, blanc avec ses moccassins noirs sans chaussettes l'été, ou sombre avec chemise froissée, pieds chaussés de Scholl ou de Mephisto sans âge. Les lunettes vissées sur le nez, il a cet air fatigué d'Auteuil dans l'Adversaire, avachi sur la banquette arrière de sa berline, s'empiffrant de "Barquettes de LU" et la nervosité de Brasseur en père dépassé dans La Boum. La peau grise et terne, le cheveux peigné en un mouvement romantique, blanchi de pellicule, il ne ressemble à personne, excepté à lui-même, ni beau, ni laid, auréolé d'un charme indéfinissable.

Il frappe fort aux portes, entre et sort dans un coup de vent, suspend vos discussions, caresse son Iphone entre deux regards, vous chante la beauté de La Reunion, flatte d'un regard malin votre décollecté, guette votre sourire de connivence, chante votre talent à qui veut l'entendre.

On l'imagine mal se coucher ou lire un livre. On l'imagine difficilement mettre cette énergie en repos pour caresser son chien ou prendre une femme dans ses bras, s'intéresser au sommaire de Capital le dimanche soir. On l'imagine seulement  déambuler, sans but ni objectif, le nez au vent, se retourner sur les femmes, saluer le clochard sur le bas-côté, manger au resto seul ou accompagné, flatter la croupe de la boulangère, résoudre quelques équations au dessus de l'épaule de ses enfants, se servir une vodka glacée et écouter Rossini à fond la caisse.

 

Voilà un homme qui doit détester dormir, perte de temps inutile face aux plaisirs que lui donne la vie. mais il adore le Vidal version 2011 et wikipédia pour la profusion d'informations médicales qu'on y trouve, se demandant si Syphillis est avec un "Y" ou un simple "I".

Il lutte contre le RSA, outil d'asservissement de la femme, la rendant dépendante à la protection masculine, encourage les pères violents à reconnaître leurs bébés concus dans la douleur, sèchent leurs larmes et leur tend des mouchoirs, leur dit 'aimez vous, aimez vous les uns, les autres", sollicite le pardon, les deux mains jointes, force de l'Amour inconditionnel qui unit les hommes avec les femmes.

Voilà un homme qui est ni là, ni ailleurs, plongé constamment dans ce monde qu'il réinvente jour après jour à sa convenance et à son image: un chant romantique, avec de douces mélopées cliniques que lui seul, décryptent.

Il est là, tourne et se retourne, le regard électrique, s'asseoit, prête à votre parole une importance que vous ignorez vous-même, se tait, contemplant votre noyade que vous comblez par des arguments fallacieux ou brillants, selon le jour, hoche la tête, acquiesce, dit que c'est formidable, qu'il s'en occupe et repart, la porte fracassée par son passage et trois SMS tapés à la hâte plus tard.

Son repertoire a deux cent noms, numéros et adresses comprises, ponctue chaque idée par un coup de fil éclair, cherche les coordonnées des structures affchées dans votre bureau sur les pages jaunes, réinvente le système à coup de slides du bout des doigts, solutionne l'insoluble grâce à Steve Jobs, vous montre les photos de ses patients par un coup de pouce bien coordonné sur son Apple.

Celui-ci révolutionne la psychiatrie, en proclamant son Iphone comme un outil de travail révolutionnaire et un Sex Toy sans pareil.

On en voudrait 10 des comme ça, fantaisiste à loisirs, drôle malgré lui, peignant la morosité du quotidien par son énergie flashy et ses costumes élimés. On en voudrait moins des comme ça, illusionniste, se bercant de chimères, extra lucide de ce qu'est un bon père, une bonne mère, un bon couple maman est en haut et fait du gâteau, papa est en bas et fait du chocolat, idéal d'Epinal 3 générations trop tard.

Provocation nécessaire  pour que que vingt pairs d'yeux féminins le bouffent de colère et donc de désir, répétition anti-féministe à sa démesure qu'il adore proclamer, jouissif de la contre-pensée collective et de sa clinique, voici un homme qui redéfinit à l'infini la Femme, en quête d'un je-ne-sais-quoi qui agace, surprend, exaspère et désespère sans commune mesure.

Partager cet article
Repost0
15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 23:23

Je suis une serial social.

 

Je hoche la tête, cligne des yeux, quelques sons inaudibles pour signifier mon désaccord. Je regarde encore la personne droit dans les yeux, je me penche vers elle, ca l'invite à la confidence: c'est bon, ca me fait gagner du temps.

Je griffonne pour marquer l'importance des confidences: les gens aiment bien, ca les met en confiance. Ils reviendront, malheureusement pour moi mais j'aurais ma grille de résultats à la fin de la prise en charge et ca c'est bon pour moi et mon égo.

Je rappelle toujours quand j'ai des messages téléphoniques: c'est bon pour l'égo des autres donc bon pour mes affaires.

Je limite mes  questions, je les encourage silencieusement à continuer puis j'interromps, attrapant au vol l'indispensable pour être plus efficace, soucieuse d'optimiser mon placement au plus vite.

J'ai l'art de la dissimulation et du mensonge: j'enjolive à ma convenance, seul pouvoir qui me reste et j'assène la réalité quand mes talents d'illusionniste me rattrape à les faire basculer dans la folie.

Je formule jour après jour le même langage à la couleur fadasse, à m'en faire vomir moi-même, à me mentir qu'il est chaque fois différent et bien particulier, à me donner bonne conscience que j'ai l'éthique en moi et pour moi, que je suis intouchable et irréprochable.

La mine affairée, le pas pressant et le regard décidé, j'ai les lois de la réalité pour moi, alibi qui ne fait douter personne que je mérite mon salaire à la fin du mois. La porte close, je travaille. Devant mon ordinateur, je travaille, cherche des solutions, bidouille et bricole. Ne vous y fiez pas, je rêve, je suis déjà partie ailleurs, indifférente aux échecs et aux réussites. Je ne lève plus les bras quand je perçois le goût de la victoire, je dors comme un bébé quoiq'il arrive, je pars à 17H30 tapantes pour me repaître de nourriture grasse et saturée, le chauffage à fond avec les fenêtes ouvertes.

Passer des heures au téléphone pour le 115? Je ne connais plus: qu'ils se débrouillent sans moi, c'est l'hiver de toute façon y'a plus rien à faire.

Les femmes sont des salopes, leurs mecs sont des connards et tout ce petit monde est en colère constamment, hésitant entre la déprime et me péter la gueule alors que puis je y faire sinon rentrer chez moi et me calfeutrer?

 

Leurs larmes m'ennuient, je retiens mes soupirs, mon regard vacille s'intéressant à mes mails subrepticement, sirotant  mon café froid pour ne pas mouliner avec mes doigts et poser ma soi-disante bienveillance.

Je suis rasciste: je les préfère noires que blanches. A vrai dire, l'Afrique je m'en fous mais elles sont moins génantes, plus discrètes, plus efficaces, plus fières. Elles font fructifier mon temps mais leur taux de rendement reste faible alors je me désespère de ne pas encore avoir dénicher le meilleur des produits, cumulant rentablité et rapidité de résultats.

 

J'aime les chaussures plates mais je tente les talons pour me donner de l'assurance et de la prestance, façon je ne suis pas cadre mais pourquoi pas un jour, je pourrais tous vous dégommer et vous écraser d'un petit pouvoir pervers que je ferais grandir jour après jour et lutter ainsi contre la petitesse de mon univers.

Les questions militantes c'est pour les mal-baisées, les lesbiennes en cheveux courts et basket, les célibataires vieillissantes qui occupent leur temps avec leur potos du dimanche, les pseudos humanistes et leurs côtés bien pensants, les divorcées frustrées, les "je connais la galère, je dis"NON" c'est pas bien", les indignés du week end qui se lèvent à 7Hrs le lundi, la voix éraillée d'avoir trop gueuler, c'est pour tous ces gens-là mais c'est pas pour moi, c'est plus pour moi.

Mais je leur donne ma place: pas un jour, ni une semaine, ce serait trop simple. Allez soyons généreux, je leur donne 1 à 5 ans pour qu'on en reparle le coeur ouvert et sincère, payé quelques euros payés au dessus du SMIC et qu'on redéfinisse ensemble ce qu'est la couleur du changement et de la révolution, ce qui reste de cette générosité exubérante: un peu plus de colère? davantage de ranceur ou le torchon jeté de dépit?

 

J'ai appris à détester les gens, à défaut de les avoir trop aimer. Mon coeur s'est asséchée devant la médiocrité humaine et ses petits intérêts, ma culture judéo chrétienne s'est évaporée, soufflée par trop de mesquineries, mes élans combatifs sont morts dans mes désillusions successives et je vomis les nouveaux visages qui défilent devant moi. On commence à dire que je devrais arrêter, me réorienter mais pour faire quoi? Je n'ai plus d'envie et je ne sais rien faire d'autre. Les gens m'évitent, préfèrent la p'tite nouvelle toute fraiche qui vient d'arriver dans le bureau d'à côté. Je ne leur en veux même pas puisqu'ils ne comptent plus. Je ne lui en veux même pas à elle, je suis déjà triste pour elle. Car personne ne lui dit de se réorienter dès maintenant, personne ne lui a dit de ne pas le passer ce foutu concours. Personne ne lui a dit la vérité et quand bien même, elle est jeune, elle en rigolerait "Ah non moi j'ai toujours dit que ce jour là, j'arrêterais. Forcément, tu ne peux plus aider les gens si tu satures".

C'est drôle, je disais la même chose...et je suis devenue une serial social.

 

 

Partager cet article
Repost0
7 novembre 2011 1 07 /11 /novembre /2011 23:10

J'avais le coeur sec, anesthésié par l'immersion stamboulite où les petits malheurs des uns ne faisaient plus mon  mon humeur et où seul régnait l'insouciance des vacances. J'avais le coeur sec et une furieuse envie de le faire tressauter à nouveau. Indifférente à une réunion assommante, indifférente à mon impuissance face aux couples amoureux et courageux, je m'en suis allée voir "Polisse", réservée et sans enthousiasme, mais avec ma curiosité de professionnelle façon Protection de l'enfance, prête à regarder cette oeuvre d'un oeil torve et peu complaisant, à l'affût de la caricature et du mauvais goût.

Mais déjà mon coeur se serre, quand après 5 minutes de retard sur le film, j'entre dans la salle sombre et je constate, malgré le lundi soir, que 300 personne s'y entassent.

Je me faufile, bien magré moi, au dernier rang et j'y suis. Je m'immerge, avant de constater les rires autour de moi. A "Papa, il m'aime trop" et aux yeux larmoyants de la fillette, je distingue mon malaise quand cette réplique est ponctué de rires. Quand au lit, l'un des "agents" crache que non il n'a pas envie de faire le bon papa quand il rentre à la maison le soir, j'entends des rires. Des rires, des rires à chaque instant où je perçois ce qu'il me semble être la vérité des êtres dans ce que l'on ne souhaite pas entendre.

Je veux les faire taire, il me dérange tout ce monde venu voir en masse l'un des phénomène cinéma de l'automne et qui n'accepte pas ce qu'il entend. Alors je cherche la caricature pour comprendre ces pouffements, je ne dois pas être assez à l'affût du bon mot, mais non, je ne vois pas. Le Camp de Rom ca fait rire, la fillette violée ca fait rire, l'africaine qui ne parle pas bien français ca fait rire, les couples qui se déchirent aussi, le bébé qui se fait branler par sa mère, ca fait rire.Je me dis que vraiment, le public d'aujourd'hui peine tellement à rire de lui-même qu'il est prêt à rire de tout, qu'il rit n'importe comment, sans style ni intelligence.

Mais brusquement, ca rigole moins: le bébé mort que l'on montre dans un sac plastique ca calme tout le monde et enfin le silence se fait soudainement.

Mais je suis prise, définitivement prise, comme une bourgeoise que je suis. Les larmes de Joey Star sont un peu les miennes, celles que je retiens inconsciemment, sa violence est celle que je contiens pour ne pas foutre en l'air ma vie. De l'horreur au soulagement, des coups à la fraternité d'équipe, c'est brut, fort, sans condescendance.

Et même si j'y vois quelques incohérences techniques à la réalité, on s'en fout parce que les comédiens non professionnels sont justes ce que l'on cotoîe dans une vie professionnelle.

Je me dis que je suis bien peinard dans mon bureau chauffé et mon appart' dans les beaux quartiers, que ma vie en somme, est jalonnée d'un peu de çi, d'un peu de ça, des états d'ames en veux-tu, en voilà mais que la crasse, je ne la touche que du doigt. Alors je n'ai pas envie de rire de tous ces portraits qui défilent.

Je leur envie presque  cette liberté dont Maiwenn les affuble, celle de ressentir, de s'exprimer, d'être en colère ou juste en larmes et qui les étreint tous les jours, nuit et jour, week end et jours fériés compris.

Moi je cloisonne parce que cette horreur n'est pas la mienne. Mais quand elle s'approche de moi, lointaine, je la claquemure, lui tord le cou et prend un peu de ces amphèts que me donne virtuellement mon blog.

J'étais prête à regarder d' un oeil critique ce film mais le public a surpasser toutes mes attentes, confirmant que non personne ne veut voir car non ça ne peut pas exister. Ca ne se peut pas, n'est ce pas?

 

Je ne peux pas aimer ce film car ce serait aimer ce qu'il raconte mais je ne peux pas le détester non plus. Que faire? Juste constater dans mon rétroviseur, la ride creusée entre mes deux yeux, mon regard hagard et cette sensation si bizarre...

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 23:50

Ultime final d'un film qui s'annoncait comme un prologue, les images tressautent, dans un montage psychédélique et nerveux, sous la lumière crue des néons, des mains qui s'agitent, expertes, piquent et repiquent, examinent sans s'attarder, des mots hâchés, des regards expéditifs et frénétiques, des phrases que l'on ne prononcent pas, de l'action et toujours de l'action pour ne pas dire l'indicible, de ce corps qui m'échappait et de tout ce sang qui s'écoulait, comme une rivière sans fin et que je tentais de contenir, les jambes et la mâchoire serrées, persuadée que non ce ne serait pas pour ce soir.

La simple vérité, dans ce mouvement nombriliste qui m'agite 4 ans plus tard, heure pour heure, c'est de voir que la folie des autres, de la difficulté d'être mère, que j'aligne, dans un pseudo élan d'humanisme et d'empathie, n'est qu'un pâle maquillage pour ne pas regarder la mienne qui m'a emmené aux frontières de la bascule, au prise à la solitude de ne pas y mettre les mots les plus justes, incapable d'expliquer ce qu'est l'illégitimité d'être mère.

J'ai réalisé le film phare de ma vie en super8 avec un bébé en personnage principal, entourés de techniciens et d'acteurs de complément habitués au numérique. Je surnageais avec la technique, partagée entre ce que l'on percevait de mon oeuvre et la conviction profonde que c'était le nanar de l'année. Seul le comédien principal semblait s'y retrouver, s'acclimatant de mes sauts d'humeur dans ma réalisation ou de mes élans de passion, compagnon de route infatiguable, fidèle aux yeux clairs et limpides qui m'appelaient tranquillement à me relever, à m'appuyer sur lui, malgré sa petite taille.

J'aurais presque préféré qu'il me manifeste son manque d'indulgence, qu'il me remette joliment à ma place et me fasse assumer plus facilement cette bombe humaine qu'était son entrée dans ma vie, mais non, il demeurait placide, observateur, trop tranquille, renforcant alors cette culpabilité qui était mienne de ne pas être à la hauteur, cette illégitimité de ma nouvelle place, convaincue qu'il pouvait faire sans moi, persuadée que sans moi, ce serait meilleur.

Il y a eu l'anesthésie générale et l'anesthésie mentale, l'étonnement de ne pas ressentir de manque en son absence puis le besoin de le sentir, son odeur chaude que je reconnaîtrais entre mille autres, sensation animale, il y a eu le besoin de fuites, de celles dont on ne revient jamais, il y a eu la reconnaissance puis l'ambivalence, il y a eu le soulagement d'entendre son coeur et le déchirement de ne pas le voir, il y a eu la négligence et l'indifférence, il y a eu le rire et les larmes juste derrière, il y a eu des milliers de sentiments contradictoires, m'emmenant au bord du précipice, prête à sauter pour faire taire cette explosion interne que j'ignorais jusqu'alors mais qui couvait en moi depuis si longtemps.

Ca aurait du être une web série s'interrompant à 3 ou 4 semaines de diffusion pour cause de pitch bancal mais c'est devenue une série journalière, un scénar trop tendu par l'émotion, puis peu à peu hebdomadaire, diffusée sur 24 mois, une série épuisante, explorant les méandres de l'origine familiale, du couple, de la condition féminine, de ma condition tout court.

Alors quand je détaille les conditions des autres mères, avec les trémolos que je ressens, je ne sais plus si je dois sourire ou pleurer de la misère de ma vérité que je dissimule à grande peine, incapable encore de définir ce qu'est être mère, qui est le bébé qui va bien, va mal, celui qui peinera ou réussira, celle qui sera exemplaire ou démoniaque, malgré elle.

Je sais seulement qu'on s'est reconnu. Je ne sais pas qui est la muse de l'un ou de l'autre, j'ignore qui a reconnu l'autre le premier, je sais seulement que son regard de bébé tétanisé par sa naissance, que ma folie de ces longs mois sont gravés dans notre héritage commun dans ce lit sur lequel nous sommes restés de longues heures côte à côte alternant les phases de sommeil et d'observation silencieuse.

Mon personnage principal continue d'évoluer dans une oeuvre qu'il réalise lui-même et moi  je suis releguée à l'assister, cherchant dans ses traits les souvenirs flous que j'ai gardés de lui en moi. J'y distingue encore  les rides indélébiles de nos soucis communs et qui creusent un pan de chacune de nos histoires, la sienne davantage encore.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 21:23

Je ne me souviens pas de ton visage...Tu as tellement changé et je ne suis même pas certaine de t'avoir déjà salué...Ton nom me dit vaguement quelque chose, c'est un son familier à entendre, peut-être peux tu me le répéter...Voilà, ca me revient...Te dire que je suis contente de te revoir serait un mensonge car tes 20 ans me laissent à penser que mon chemin s'est arrêté à l'endroit où le tien a débuté...je t'envies...Ah je ne devrais pas? Mais d'ailleurs pourquoi es tu ici? Pour comprendre? Attends, laisses moi une minute....Je ne crois pas que mes bras t'aient portés, peut-être t'ai-je parlé mais d'aussi loin que je me souvienne, j'ai surtout échangé avec ta mère...Ah justement, tu es ici pour elle? bien sûr, excuses moi, tu es surtout ici pour toi...S'il te plait, laisses moi une minute que je trouve son dossier, que je trouve une collègue...Laisses moi un instant....Non ca t'es égal.Bon. Tu veux que je te parles d'elle? D'ailleurs que devient elle? Tu ne sais pas?Depuis plus de 12 ans, tu n'as pas eu de ses nouvelles? Mais toi que deviens tu? Pourquoi bafouilles tu? Pourquoi me regardes tu ainsi? Tu n'as jamais su?

Mais je ne sais pas si je peux, vois tu il y a la procédure...Non, s'il te plait, ne te mets pas en colère, calmes toi, c'est un mot que tu as trop entendu...C'est le mot que tu connais le mieux? Ah désolé je ne savais pas...je ne pensais pas que ca durerait, on espère toujours que ca ne dure jamais mais tu sais c'était nécessaire...Pourquoi? Laisses moi regarder son dossier, laisses moi me souvenir pour que je puisse te raconter...Assieds toi, voudrais tu un café?

Ta maman est venue ici parce que ca n'allait pas. Pourquoi? Oui, je le sais mais toi que sais tu? Exact, elle n'avait pas de logement mais vois tu c'était une période agitée où ces questions-là n'étaient pas simples à régler...Non, ne te mets pas en colère, 20 ans c'est long je sais, d'ailleurs je ne devrais plus être ici pour te le dire... c'est long pour moi aussi...Oui, il y avait le problème de logement mais pas seulement...Qu'il y avait il d'autre? Et bien, dirons nous que ta maman était perdue, elle t'aimait, elle voulait bien faire mais c'était plus fort qu'elle, ca la dépassait comme ca nous dépassait nous-même...Oui, je sais à 5 mois, c'est cruel mais tu étais si petit et elle était si perdue. On aurait bien fait autrement, si on avait pu, on aurait bien....Que s'est il passé?Et bien, elle était ailleurs, voilà tout et toi, tu partais avec elle, le regard dans le vague, le sommeil agité, le corps tendu. Elle arrivait pas, elle aurait bien voulu mais c'était trop difficile de s'occuper de toi. Elle avait déjà du mal à se préoccuper d'elle. Alors le personnel s'occupait de toi, te parlais, te langeais, te berçais. Elle était près de toi, elle t'a même massé et chanté des comptines. Mais ailleurs, elle était toujours ailleurs, encore dans sa propre enfance. Tu sais, elle a voulu que tu sois bien et elle souffrait de ne pas pouvoir t'apporter tout cela. Elle était triste mais elle n'y arrivait pas. C'est comme ça, voilà tout. Quand tu as été confié, elle ne voulait pas mais le désirait quand même, soucieuse de te protéger d'elle-même. Tu ne dis plus rien? Pourquoi tu cries, pourquoi pleures tu? Je ne peux pas t'en dire davantage...je sais 20 ans...nous ne pouvions pas savoir pour après. Mais toi t'as tu fait durant toutes ces années?

 

Bah bien sûr vous ne pouviez pas savoir, vous ne pouvez jamais, je connais ça par coeur aussi! Bah moi je sais pas trop. Y'a eu les foyers, je m'en souviens pas trop en fait et puis, je sais que suis rentré à la maison. Ouais, elle avait trouvé une maison, j'était en CE1 je crois mais ca n'a pas marché: c'est moi qui faisais à manger, elle était jamais là mais on rigolait bien quand même. Y'avait toujours du monde à la maison, des tas de potes à elle mais j'allais pas à l'école, j'étais trop fatigué. Je crois même qu'une année, on est parti vers le Sud dans une truc agricole. C'était pour les vacances mais on est restés toute l'année, je suis pas allé à l'école et ca a été la meilleure année de toute ma vie. J'ai jamais vu ma mère si heureuse et puis elle a rencontré un mec, un sale con que j'ai détesté tout de suite. Il m'aimait pas: il voulait voyager mais je le faisais chier à être là. Elle, elle était amoureuse alors elle m'a laissé pour aller en Inde ou un truc comme ça. Je suis tombée dans une famille d'accueil, ils étaient cons, ils étaient vieux, je pouvais plus rien faire à part lire et écrire, lire et écrire sans cesse. Fallait prier et aller à la messe, je détestais ça alors j'ai cogné à l'école et les autres gosses de la famille. On m'a changé et puis rechangé parce que personne voulait de moi. Ca tombe bien. Moi, je voulais juste ma mère. Elle est revenue, elle avait vieillie, moi aussi, elle avait tout perdu: la maison, ses amis...quand on s'est revu, je lui ai  rien dit, même pas bonjour, rien. Je lui en voulais trop et après ca...je l'ai jamais revu. Si au moins, je lui avais dis qu'elle m'avait manqué, elle serait revenue...si...Hey, vous allez l'air ému mais faut pas...en même temps, c'est un peu à cause de vous. Bon après ca, y'a eu des gens chouettes, ils m'aimaient bien, Claude il faisait de la guitare, je trouvais ça cool de l'écouter et puis il m'a appris à jouer. Ca m'a un peu calmé et puis ils ont eu un enfant et ils ont préféré arrêter. Ils voulaient plus de moi. Alors mon éduc, j'était au collège, tu vois, elle m'a mise dans un foyer, parait que c'est dur de trouver une famille à un ado et puis après...pas grand chose, j'ai commencé un CAP et j'ai jamais fini, ca me saoulait de rester enfermer toute la journée. Alors j'ai commencé à me défoncer et à delaer, un peu. C'était la guerre au foyer: y'a personne qui va bien dans ce genre de truc alors comment tu veux t'en sortir! Je me suis barré pleins de fois, j'ai squatté à droite et à gauche et j'ai changé d'éduc, elle est partie à la retraite l'autre conne. Le nouveau, il est cool,il m'a foutu à l'hôtel et on a commencé à faire des trucs sympas, aller au ciné tu vois, et puis l'autre jour, il m'a parlé d'ici alors je suis venu voir, pour entendre ce qui s'est passé mais franchement, ca me suffit pas ton blabla. Et d'ailleurs mon père dans tout ça?

Partager cet article
Repost0
10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 21:56

Elles me baisent comme elles se sont fait baisées pour la plupart. Elles m'attirent puis me repoussent pour me rallumer de plus belle, m'esquintent et me désespèrent, me rendent indifférentes et cyniques, font de moi une criminelle ou une Dame Patronnesse, furieuse envie de les cogner, de les prendre dans mes bras pour les emmener chez moi et partagé mon 90M2 sous-occupé par trois personnes.

Eternel recommencement au féminin recommence éternellement sous les coups de leurs conjoints, leurs familles, la dope, la galère, le manque d'amour, la solitude. Eternelle baise en un mouvement de va et vient qui emberlificote les générations à venir et enterre mon humour et glorifie mon cynisme.

Je cherche, explore le quotidien de toutes ces mothers fuckers,du sein gonflé et mal allaité, du mauvais goût en poussettes à strass et ongles assortis, au ventre engoncé dans un jean taille basse, du pyjama porté toute la journée à l'Iphone en double exemplaire payé par les allocs'. Elles ont baisé et leurs ovaires ont crié victoire quand leur sang menstruel a cessé de couler. Elles se sont fait baisées une seconde fois quand il s'est barré, les a cogné, foutu dehors par la famille qu'elles haïssent tant, expulsées par leurs galères anciennes, rejetées irrémédiablement. Elles ont dit non mais la Machine les a baisé une troisième fois. Consenti, non consenti, il est déjà trop tard pour crier au crime et m'invite alors à les rejoindre dans cette parthouse géante qui me fait tant jouir et souffrir.

Car dans ce Backroom exclusivement féminin, je sens que je choppe toutes les saloperies qui se promènent. A titre préventif, j'enfile  l'intégrale en vinyl et j'hésite sur le godemichet ceinture qui pendouille à un clou. Car des envies de violence, j'en ai souvent, des désirs de domination encore davantage quand elles ravagent ce que je souhaite pour elles, bien plus qu'elles. J'en ai oublié ma baguette magique, façon "Little Pony" qui s'allume quand on la touche, déjà vestige d'un autre temps, celui de mon innocence.

Mais dans cette orgie, qui vous semble si malsaine, je les aime quand même car prête à jouer à ces jeux de vas et viens encore et encore, dans un désir insatiable, jusqu'à l'épuisement.

Dans ce libertinage d'Afrique en Occident, j'ai égaré mon humour dans le noir de la salle tapissée de velours rouge et le distingue soudainement de loin dans l'écran d' un Iphone connecté sur wikipédia en mode recherche "anti-dépresseurs", activé par un homme, psychiatre de profession, ordonnancier et stylo à la main.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 22:30

Imaginez vous à l’âge de la déraison

Où l’on s’embrume, où l’on s’amuse

A clamer des idées révolutionnaires

A chanter une révolution imaginaire

C’est Le refus de la coutume, l’oubli des habitudes

C’est surtout nous et nos aigreurs de trentenaires

où l’on utilise l’ART comme cache-misère

Comme si c’était une honte d’être simple fonctionnaire

Il y a Renaud et ses bobos

Ses critiques sans façon

Il y  a moi et mon surmoi

Et mes rimes sans exploits

Il y a les projets absolus

Ceux du genre du mettent le feu au cul

Ceux qui enflamment les soirées

Mais qui ont souvent un goût alcoolisé

Il y a les projets pour demain ;

Les finitions sans fin

Les « j’ai une idée,

faut que ce soit  décalé, je dirais même plus

Engagé »

On se prend pour des génies

La société devrait presque nous dire merci

Mais ça ne dépasse jamais la porte d’entrée

On finit  par aller se coucher

Avachi dans le canapé, on jubile

Nos idées sont si subtiles

Pas de contraintes ni d’horaires de travail

On a trop le souci du détail

Du bon mot, de la bonne transition

Au fond,

C’est la rigueur qui tue la passion

Il y les créatifs sans fin

Ceux qui feraient bien

Mais qui ne savent rien faire de leurs mains

Il y a ceux qui suivent

et qui ne proposent rien

Mais on ne sait jamais

D’ici qu’une idée se dessine

Faudrait quand même en faire partie

Il y a les avant- guardistes

Les incompris, les grands génies

Qui revisitent nos grands classiques

Ce n’est pas de l’ART

C’est du concept

C’est une nouvelle façon d’avoir l’air

Intelligent, brillant et transcendant

C’est sans nom, sans sens

C’est l’autre arnaque de notre temps

Car ce n’est pas de l’inspiration,

Non,  c’est de la pure création

Ceux-là rêvent d’une petite expo

S’il vous plait,

Au Palais de Tokyo

Et puis il y a les ambitieux

Ceux qui insistent, par téléphone ou par écrit

Qui paralysent ceux qui décident

Il y a ceux qui ont envie

Mais qui s’oublient dans leur désir inassouvi

Car sans talent,

Ils perdent seulement leur temps

Une figuration dans une série télé

Ou mieux encore au ciné

C’est l’émotion

La pamoison pour leur passion

Faudrait surtout pas les critiquer

Car ils essaient de travailler

Pour que le spectacle, comme ils disent,

Puissent continuer.

Il y les timides, les introvertis

Les touchants, les tâtonnants

Ceux qui ne savent pas se vendre

en prennant tout leur temps

Mais qui ont du talent à revendre

Ceux qui bossent dans leurs coins

Sans en faire tout un foin

Ceux qui donnent sans contrainte

Qui décortiquent l’être humain

Il y a ma vie, il y a ceux la

Il y a une multitude d’êtres comme cela

La réussite comme une folie

La célébrité comme une envie

L’art comme un graal sans prix

Où l’anonymat c’est pour les abrutis

Partager cet article
Repost0
3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 21:35

Je ne sais pas la déchiffrer mais j'en connais chaque son, chaque note, capable d'en reconnaître les versions les plus fantasques ou simplement classique, la touche appuyée ou à peine effleurée. Sa mélodie me capture sans cesse comme elle emprisonnait alors mon sommeil à l'âge de mes 8 ans, sous les couvertures, peinant à dissimuler le moteur du Walkman qu'il m'était interdit d'utiliser.

J'étais hypnotisée, imaginant seulement les doigts s'articulés et se désarticulés, les bras se mouvant dans ce rythme magnifique et éphémère, fredonnant silencieusement, seulement bercée, m'évadant encore et encore entre les cordes et les touches noires et blanches.

Le rêve m'était impossible, le temps se suspendait et se suspend encore, dans cette mélodie tremblante et éclatante: absence du passé et du jour à venir, je sombrais peu à peu dans le sommeil, le casque sur les oreilles, mes sens tressautant malgré moi dans une demi-conscience.

Accrochée à mes 8 ans, je n'imaginais pas écrire, je n'imaginais pas que mes journées ressembleraient à celles d'aujourd'hui. Je n'imaginais pas ma vie. Je n'imaginais pas dans mes songes d'enfant que je fonderais plus tard comme neige au soleil, à préserver des existences qui me sont tant étrangères.

Je n'imaginais pas écrire des moments de la toute petite enfance, transmettant malgré moi un héritage qui n'est pas le mien,  celui qui m'échappe encore, étranger qui me poursuit, tapi dans mon ombre. Je n'imaginais pas m'inviter dans des histoires familiales, y laissé ma trace cachée dans un costume d'assistante sociale, réécrire son Histoire et m'enfuir, seulement m'enfuir, pour aller butiner sur d'autres terres qui ne sont pas les miennes.

Je n'imaginais pas que si vite, j'aurais déjà tout oublié, barrant d'un trait épais mes origines et celles de tous ces bébés. Je n'imaginais pas que  mon imaginaire puisse seulement foisonner grâce à toutes ces vies  que je prends en otage, malgré elles. Je n'imaginais pas  que je quitterais mon nombril d'enfant et sa douleur pour regarder, en cachette, la souffrance d'autres nombrils.

Je n'imaginais rien et mon esprit fuguait, éprise par la pureté de ce concerto, espérant peut-être que l'âge atténue les ruptures, rend plus fort et permet toutes les fantaisies.

Je n'imaginais pas qu'adulte, l'émotion de l'enfance demeure intacte. Je n'imaginais pas que le temps me laisserait éternellement entre deux âges, enfant encore  et toujours et adulte, encore et encore. Que cette maladresse, je la conserverais malgré moi, sentiment d'étrangeté qui me poursuiit, m'abandonnant à la frontière d'un monde que je ne sais pas habité, loin des femmes auxquelles j'aspire à ressembler, loin des hommes que je ne désire pas. Je n'imaginais pas que je garderais cette naiveté d'enfant, oscillant entre le désir de la préserver et de m'en défaire, armure non blindée qui me fait si mal quand les coups sont portés.

Je n'imaginais pas qu'adulte, j'aurais tant souhaité redevenir enfant quand je me voulais si grande. Je n'imaginais pas que les bras me manqueraient tant,  la douceur du soir me faisant déjà défaut.

Accrochée à mes 8 ans, je n'imaginais pas que très vite, je m'évaderais sur des eaux cotonneuses, le son de ce walkman devenant insupportable à entendre, l'estomac trop serré, tant de beauté me rendant si douloureuse. Je n'imaginais pas que je devrais inventer d'autres évasions pour ne pas sombrer, modifier la musique pour me grandir et m'échapper le plus vite possible, quel qu'en soit le prix.

Mais j'ai tout oublié, d'hier à aujourd'hui et mes 8 ans me poursuivent, âge éternel qui m'emprisonne et me donne encore des ailes.

Partager cet article
Repost0
29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 22:34

Elle l'attendait  ce rendez vous du milieu d'après midi, m'interpellant hier devant l'ascenseur, sourire éclatant, avec cette phrase lapidaire qui m'a cloué au pilori "J'espère que vous avez des nouvelles!"

Près de 2 mois d'attente, retirons le mois d'aout qui compte blanc et voici un mois d'une attente interminable  pour un lieu de vie qui tarde à se manifester.

Dans la monotonie quotidienne, je redoutais ce face à face qu'elle espérait et craignaiit tant, incapable d'anticiper ma conduite d'entretien, muée par l'impuissance des réponses que je me devrais lui formuler.

 

Elle s'est assise, les deux fesses sur le bord du fauteuil couleur framboise écrasée. Elle n'a pas dit un mot, pas levé son regard vers moi, ne s'est pas extasié sur la nouvelle Déco très "in'. Elle s'est seulement recroquevillée en un souffle, position foetale pour murmurer sa fatigue d'être emmurée, sa lassitude d'être tenu si loin de la vraie vie du dehors.

C'est à peine si elle s'exprime mais je sais déjà qu'elle se fout de la réponse enrobée de sucre que je vais tenter de lui fourguer. Elle se fout de mes explications, du système qui la paralyse ici depuis trop longtemps déjà, loin de ses enfants, elle se moque de mes tentatives d'arrondir les angles, de la chute que je souhaiterais plus douce.

Elle a mis une pièce dans le distributeur et sa friandise tant convoitée est bloquée dans la Machine. Alors elle attend, impuissante qu'elle veuille bien tomber dans le réceptacle, que le technicien que je suis, arrive pour ouvrir la porte verouillée et lui permettre de l'apprécier et de la dévorer. Mais je n'ai pas les clés: je pousse, bouscule la machine, la fait vaciller mais le ressort garde emprisonnée devant ses yeux, l'objet de son désir. Alors toutes les explications ne suffiront pas à combler son impuissance et mon manque de résultats.

Quatre mains liées dans un décor ALINEA à 500€ le tout, quatre mains qui ne peuvent plus s'unir ensemble lorsque la Machine bloque irrémédiablement. Elle ne me voit plus, se fiche de mon empathie, de mon écoute, de mon propre désespoir d'assistante sociale. Elle se fiche de toutes ces fadaises, de mes arguments idiots, de ma motivation, de l'espoir que je tente d'accrocher à un fil. Elle veut un "OUI", elle veut du possible, le reste n'est que mensonges, mensonges et mensonges.

Et quand empêtrée dans son silence, je tente de faire front, d'accrocher son regard, le téléphone se prend à sonner. Et c'est le coup de grâce: un entretien d'admission dans un lieu de vie...un entretien pour un possible mais pour une autre, cruelle concurrence qui les lie les unes aux autres. Je m'éclispe de mon bureau pour y répondre, cernée par trop d'ironie, la laissant toujours dans cette position foetale qu'elle ne quitte pas.

Et quand ce possible se manifeste donnant alors un éclair d'espoir pour une autre héroïne, mes bras sont de plombs, incapable de s'élever vers le ciel, mon coeur demeurant serré.

J'exécute ce que me dit La Machine et je reviens, poursuivie par ce pincement de culpabilité de l'avoir laissé pour m'occuper d'un autre  avenir qui pourrait s'écrire si vite mais pas pour elle.

Mes paroles sont vaines mais le silence serait de trop. Alors je tente de nous faire gagner du temps:  la semaine prochaine, nous aurons une réponse plus précise; la semaine prochaine certainement nous en saurons davantage...la semaine prochaine, toujours et encore...

Et brutalement, je doute que la Machine ne m'habite pas à présent, complice malgré moi, de toutes ces facéties et de ces délits de mensonges que j'aligne au quotidien, hésitant entre l'espoir ou la condescendance. De ces mots que j'aligne pour me rassurer moi-même, évitant par ce fait de regarder le mécanisme ravageur d'une machine que je ne peux pas contrôler mais que j'aspire tant à vouloir diriger.

Partager cet article
Repost0
28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 20:14

La chaleur est écrasante. Malgré la blancheur des murs, je peine à trouver  de la fraîcheur, les 4 étages me rappelant que je suis  plus près du soleil qu' à l'ombre du trottoir.

C'est sans pudeur que j'ai des excès de coquetterie, couleur framboise écrasée et noir, pour réaménager un espace de travail devenu étouffant. C'est sans pudeur qu'entre deux meubles à installer, j'exécute le placement d'un nouveau-né, drame se nouant deux étages plus bas, à l'abri de mon regard. L'exécution sommaire, sans état d'âme, d'une décision qui ne m'appartient pas, que je ne questionne pas. J'organise platement les derniers détails organisationnels quand les enjeux humains ne me concernent pas, confirmant le vieil adage que les assistantes sociales exécutent l'impensable, robotisé par un système et des pratiques qu'elles ne réfléchissent plus.

L'air est étouffant et j'hésite à me pencher sur les quelques dizaines de dossier qui m'attendent, aux séjours qui se prolongent, aux femmes qui peinent à trouver une solution de sortie, aux vieux dossiers qui n'en finissent plus de pâtiner dans le vide, aux nouveaux qui bientôt deviendront les anciens. J'hésite à ouvrir de nouvelles perspectives, convaincant les femmes plus que moi-même, porté par l'idiotie que seul l'espoir peut nous porter ensemble sur ses jambes frèles.

Je classe, je range et nettoie mon abri anti-crise, l'habillant de couleur et de douceur, pour les combats à venir que j'imagine.

J'assiste, imperméable aux ressentis, au départ du nouveau-né. Simple spectatrice, je deviens une anonyme, technicienne de l'ombre, sans engagement et c'est presque si j'envie l'émotion de ma collègue  concernée par ce bébé, qualité relationnelle qu'elle a su construire, terreau de notre métier.

La journée me confirme que je deviens paresseuse, préférant me satisfaire du téléphone et des tâches immédiates à effectuer, éloignant de moi, tenant à distance d'un étage ou deux, les femmes et leurs bébés. Une pause dans ce marathon sans fin mais un arrêt qui n'en finit plus, incapable d'accéder à cette pression qui me rend efficace., incapable d'angoisses et d'émotion exacerbée qui faisaient de moi une brute de travail.

Je suis devenue indifférente à ce qui m'entoure, je n'ai plus envie de rire ou de pleurer. Le monde s'agite sans moi et je me fais l'effet d' une auto stoppeuse qui regarderait les voitures défilées, en imaginant les occupants et leurs destinations.

Je suis sevrée, mon corps vidée de toute cette substance qui me donnerait à penser que je suis vivante dans ce boulot qui a su tant m'étreindre. J'hésite à penser que c'est le temps de la maturité ou celui de la nonchalance. J'hésite à croire que ca reviendra, satisfaite de la disparition de cet épuisement que je ressentais tant en fin de journée, mais en manque, définitivement en manque d'adrénaline et qui m'emmène vers l'ennui.

Je me suis débarassée d'un bureau terne et encombrant, d'un espace brouillon où s'écrivaient en pagailles tant d'instants et de paroles, fine pellicule de poussière du sol au plafond. Et dans cet espace, devenu  pâré et élégant, je ne perçois que la froideur du meuble neuf qu'on craint d'abîmer, l'excès de confort impersonnel, le vide du trop parfait.

Je me fais l'effet du making off de "D&CO" où mon environnement s'est relooké malgré moi, me laissant comme une étrangère dans une demeure trop belle. Nue et mal foutue, ma seule présence est anachronique.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de superAS
  • : C'est quoi? C'est désarmant,hilarant,bluffant,politiquement correct et incorrect,énervant,attristant,militant,épuisant,enrichissant.C'est une façon d'être avec la loi,la société, les gens pour ne pas faire du travail de cochon, tout simplement
  • Contact

Recherche